Augustin Fresnel aux Phares et Balises
Fin d'avril 1819, le ministère de la marine acte dans un mémoire que la situation des phares français est catastrophique. Ils sont notoirement moins puissants que les phares anglais, et les navigateurs se plaignent de l'insuffisance et de l'imperfection de notre éclairage maritime.
Il faut réagir ! La commission des phares est saisie. L'un de ses membres, François Arago, demande qu'on lui adjoigne Augustin Fresnel, ingénieur des ponts et chaussées, déjà connu par d'importants travaux sur la théorie de la lumière, pour réaliser la nouvelle série d'expériences qu'il est nécessaire d'entreprendre pour améliorer nos phares. Fresnel est embauché le 21 juin.
Un centre d'essai à Paris, sur l'arc de triomphe
Le 2 juillet 1819, Augustin écrit à son frère Léonor
Je suis, depuis quelques jours, adjoint à la Commission des phares. J'ai déjà commencé à m'occuper des préparatifs des expériences, et du projet d'une petite charpente que je dois planter sur l'arc de triomphe de l'Étoile, pour établir dessus la lanterne des réflecteurs.
L'Arc de Triomphe, alors inachevé, sera donc le centre d'essai des optiques. Toutes les lentilles imaginées par Fresnel y seront testées avant d'être installées dans les phares.
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sur l'Arc de Triomphe
au temps de Fresnel
L'idée des lentilles à échelons
Dès le mois d'août 1819, Fresnel soumettait à la Commission des phares l'épure d'une lentille à échelons de 60 centimètres de longueur focale et de 536 millimètres de côté, comme première étude de son nouveau système d'éclairage maritime.
Mais la réalisation s'avère ardue. Il faut avant tout se procurer le verre dans une épaisseur qui dépasse largement les habitudes de l'époque. Les premières pièces sont décevantes, pleine de bulles et de stries.
La solution vint de François Soleil, qui gràce à son extraordinaire maîtrise du verre, parvint à livrer, au tout début de 1820, une première lentille de 35 centimètres de diamètre.
Le 12 mai 1820, Fresnel fait une démonstration devant la commission des phares avec une lentille de 70 cm de longueur focale. Les résultats ne laissent aucun doute, et Fresnel peut alors s'attaquer à son premier objectif : construire une lentille pour le phare de Cordouan.
La lentille de Cordouan
Une première lentille est terminée fin 1820, et testée. Le résultat est sans appel, et décision est prise le 4 février 1821 de lancer la fabrication de l'ensemble de l'optique, qui compte 8 lentilles. L'ensemble sera testé le 20 août 1822 sur l'Arc de Triomphe, puis installé dans le phare de Cordouan le 20 juillet 1823.
La puissance du nouvel appareil se trouva tellement supérieure à celle de l'ancien, que, sur divers points du littoral de la Gironde, où les rayons projetés par le phare se trouvaient interceptés par les accidents du sol, la réverbération atmosphérique fut prise, à la première apparition, pour la lueur d'un incendie .
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le phare de Cordouan
La lentille de la tour du Leughenaer, à Dunkerque
Jusqu'à l'époque du renouvellement du phare de Cordouan, les recherches de Fresnel sur les moyens d'améliorer l'éclairage des côtes maritimes avaient eu spécialement pour objet les phares tournants, qui n'éclairent que dans des directions précises. Après le succès du système à lentilles installé à Cordouan, Fresnel s'attaque aux feux fixes, qui doivent éclairer dans toutes les directions. Fresnel réfléchit donc à remplacer aussi les miroirs par des lentilles dans les feux fixes. Il dessine pour cela un nouveau type de lentille de forme globalement cylindrique. Il fait exécuter un premier petit appareil lenticullaire à feu fixe, et le présente à la commission des phares le 3 mai 1824. L'appareil est validé, et installé sur la tour du Leughenaer, à Dunkerque, qui joue à cette époque le rôle de phare d'entrée du port.
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la tour du Leughenaer
La carte des phares
Les succès de ses deux premiers phares lenticulaires permettent à Fresnel de s'attaquer au gros de sa mission : doter la France d'un système de signalisation maritime digne de ce nom. Il propose une carte comprenant 51 phares pour éclairer l'ensemble des côtes françaises, et lance la réalisation des lentilles de plusieurs d'entre eux. Mais sa mort prématurée, le 14 juillet 1827, l'empêchera de voir un troisième phare équipé de ses lentilles.
Après Augustin Fresnel :
Léonor Fresnel